La trypophobie est définie comme une peur ou une aversion pour les motifs répétitifs de trous ou de protubérances serrées, tels que ceux présents dans les éponges, les nids d’abeilles ou certains fruits et légumes. Bien que ce trouble ne soit pas reconnu comme une phobie spécifique, de nombreuses personnes rapportant ressentent un profond malaise, du dégoût, de l’anxiété ou même des symptômes physiques lorsqu’elles sont confrontées à ce type d’images. L’objectif de cet article est de fournir une revue de littérature complète sur la trypophobie, en abordant sa prévalence, ses éventuelles causes, ses mécanismes, ses symptômes, son diagnostic différentiel et les options de traitement.
Prévalence de la trypophobie
Bien que la phobie des trous ne soit pas reconnue, plusieurs études suggèrent qu’elle toucherait un pourcentage non négligeable de la population.
Une étude menée en 2013 par l’Université d’Essex a révélé qu’environ 16 % des participants ressentaient un malaise lorsqu’ils visualisaient des images de trous groupés, avec un taux plus élevé chez les femmes (18 %) que chez les hommes. (11%).
Une autre étude publiée en 2017 a rapporté une prévalence de trypophobie auto-déclarée de 13,5% dans un échantillon de 286 participants .
Bien que variable selon les études, la prévalence de la trypophobie semble donc se situer entre 10 et 20 % . Des recherches supplémentaires utilisant des échantillons plus larges et des critères diagnostiques standardisés sont nécessaires pour confirmer ces chiffres.
Causes et facteurs de risque
Les causes exactes de la trypophobie restent incertaines et font l’objet de recherches. Plusieurs hypothèses ont été avancées :
Théorie évolutionniste
Selon l’ hypothèse évolutionniste , la trypophobie pourrait être une réponse adaptative ayant émergé au cours de l’évolution pour nous protéger contre certains dangers liés aux trous groupés.
En effet, certains animaux venimeux comme les araignées ou certains serpents présentent ce type de motif. La trypophobie aurait donc pu se développer comme un mécanisme de détection de menace permettant d’éviter ces prédateurs.
De même, certaines maladies infectieuses comme la variole créent des lésions cutanées arrondies qui pourraient expliquer cette aversion.
Association aux symptômes de maladies
Une autre théorie est que les trous groupés sont associés de manière inconsciente à des symptômes de maladies telles que la rougeole, la varicelle ou certaines infections fongiques. Cette association entraînerait un sentiment de dégoût et de répulsion.
Sensibilité aux fréquences visuelles
Certains chercheurs ont également émis l’hypothèse que la trypophobie pourrait être liée à une sensibilité accrue à certaines fréquences spatiales visuelles présentes dans les images de trous groupés. Le cerveau interpréterait ces fréquences comme un signal de danger.
Facteurs génétiques
Bien que non confirmé, un rôle de facteurs génétiques prédisposant à la trypophobie a également été évoqué. Des études sur des jumeaux ou l’identification de gènes candidats pourraient permettre d’explorer cette hypothèse.
Autres facteurs de risque
Parmi les autres facteurs de risque potentiels, on retrouve :
- Les antécédents d’anxiété ou de troubles obsessionnels compulsifs
- L’âge : la trypophobie toucherait davantage les adultes jeunes
- Le sexe : les femmes seraient plus à risque
Toutefois, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer le rôle de ces facteurs.
Mécanismes
Bien que les causes précises de la trypophobie restent incertaines, certains mécanismes neurobiologiques et psychologiques sous-jacents ont été proposés pour expliquer cette aversion des trous groupés :
Activation de l’amygdale
Des études en imagerie cérébrale ont montré une activation de l’amygdale, structure clé dans la réponse de peur, lors de la présentation d’images trypophobiques. Cette activation pourrait sous-tendre la réaction de dégoût et d’anxiété.
Biais attentionnel
Un biais attentionnel envers les stimuli trypophobiques a également été mis en évidence, les personnes trypophobes allouant plus de ressources attentionnelles au traitement de ces images.
Conditionnement classique
Certains auteurs ont aussi évoqué un mécanisme de conditionnement classique. Une association initiale entre les trous groupés et un stimulus aversif (maladie, douleur…) entraînerait ensuite une réponse de dégoût conditionnée à la vue de ce type d’images.
Symptômes
Les principaux symptômes rapportés par les personnes trypophobes lorsqu’elles sont confrontées aux images de trous groupés sont :
- Dégoût
- Anxiété ou attaques de panique
- Nausées
- Migraines
- Frissons ou sensation de picotements
- Tachycardie
- Difficultés respiratoires
L’intensité des symptômes peut varier d’un léger malaise à une détresse psychologique sévère avec réactions physiques marquées.
Certains patients trypophobes tentent également d’éviter les situations ou objets susceptibles de déclencher ces symptômes (certains aliments, animaux, vêtements…).
Diagnostic différentiel
Avant d’évoquer le diagnostic de trypophobie, il est important d’éliminer certains troubles pouvant se manifester de façon similaire :
Phobies spécifiques
D’autres phobies spécifiques , comme la peur des insectes (entomophobie) ou la peur des trous (trypanophobie), peuvent provoquer une anxiété face aux images de trous groupés. Un interrogatoire approfondi permettra de préciser l’objet exact de la phobie.
Trouble obsessionnel compulsif (TOC)
Certains TOC concernant la peur de la contamination peuvent également entraîner des rituels de lavage compulsifs lors de la confrontation avec des images de trous. Là encore, l’interrogatoire psychiatrique est essentiel.
Anxiété généralisée ou troubles paniques
Des symptômes anxieux non spécifiques peuvent survenir dans le cadre d’un trouble anxiété généralisée ou de troubles paniques . Les révélations du patient et le contexte d’apparition des symptômes sont importants pour orienter le diagnostic.
Options de traitement
Bien qu’aucun consensus n’existe sur la prise en charge de la trypophobie, plusieurs approches thérapeutiques ont montré des résultats prometteurs :
Thérapies cognitives et comportementales
La thérapie cognitivo-comportementale (TCC), qui combine restructuration cognitive et techniques comportementales comme l’ exposition , semble efficace dans plusieurs études de cas.
L’exposition progressive aux images trypophobiques sous un cadre thérapeutique contrôlé permet de diminuer l’anxiété associée.
Thérapies médicamenteuses
Certains médicaments comme les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ou les benzodiazépines pourraient également réduire les symptômes de trypophobie, mais leur efficacité nécessite d’être confirmée.
Techniques de relaxation
Des techniques de relaxation comme la méditation pleine conscience, le yoga ou l’hypnose sont également proposées pour apaiser les réactions anxieuses et de dégoût.
Conclusion
En conclusion, la trypophobie se définit comme une peur ou une aversion pour les motifs répétitifs de trous ou protubérances serrées. Sa prévalence est estimée entre 10 et 20 % dans la population générale.
Bien que ses causes restent incertaines, plusieurs hypothèses ont été avancées, comme un mécanisme de protection évolutive ou une sensibilité à certaines fréquences visuelles.
Les personnes atteintes présentent des réactions de dégoût, d’anxiété et parfois des symptômes physiques intenses lorsqu’elles visualisent ce type d’images.