Les troubles du comportement alimentaire (TCA) sont des pathologies psychiatriques complexes, caractérisées par une perturbation sévère des conduites alimentaires aboutissant à une altération du comportement alimentaire et à une souffrance psychique intense. Ils touchent majoritairement les adolescents et les jeunes adultes, et plus particulièrement les femmes.
Les TCA les plus fréquents sont l’anorexie mentale, la boulimie nerveuse et l’hyperphagie boulimique. Cependant, il existe également des formes de TCA dites « atypiques » qui ne répondent pas précisément aux critères diagnostiques établis, comme l’orthorexie (fixation excessive sur la qualité nutritionnelle des aliments), la bigorexie (addiction au sport et à la musculation), ou encore des troubles de l’alimentation sélective et évitante chez l’enfant.
Les TCA sont des pathologies graves, engageant le pronostic vital. Ils sont responsables d’une mortalité élevée, essentiellement par dénutrition ou suicide. Leur prise en charge est complexe, pluridisciplinaire et de longue durée.
Épidémiologie
La prévalence des troubles du comportement alimentaire est difficile à établir précisément. On estime qu’elle se situe autour de 4-5% dans les pays occidentaux.
L’anorexie mentale toucherait environ 1% des femmes de 15 à 35 ans. Son incidence a augmenté au cours des dernières décennies. La boulimie nerveuse concerne 1 à 3% des jeunes femmes. L’hyperphagie boulimique, plus récemment individualisée, toucherait 2 à 5% de la population générale.
Ces troubles surviennent majoritairement chez les femmes, avec un sex-ratio de l’ordre de 10 femmes pour 1 homme. Cependant, la proportion d’hommes touchés semble augmenter.
L’âge de début se situe le plus souvent à l’adolescence ou au début de l’âge adulte, avec un pic entre 15 et 25 ans. Néanmoins, des formes plus précoces ou plus tardives existent.
Critères diagnostiques
Les TCA font l’objet d’une classification internationale établie dans le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 5ème édition).
Anorexie mentale
L’anorexie mentale associe :
- Restriction des apports énergétiques conduisant à un poids significativement bas par rapport aux besoins, compte tenu de l’âge, du sexe, de la trajectoire développementale et de la santé physique.
- Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, alors que le poids est déjà bas.
- Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou déni de la gravité de la maigreur actuelle.
Boulimie nerveuse
La boulimie nerveuse associe :
- Survenue récurrente de crises de boulimie (absorption d’une quantité de nourriture largement supérieure à la normale en un temps limité, avec sentiment de perte de contrôle).
- Comportements compensatoires inappropriés et récurrents visant à prévenir la prise de poids, comme des vomissements provoqués, emploi abusif de laxatifs, jeûne, exercice physique excessif.
- Les crises de boulimie et les comportements compensatoires surviennent en moyenne au moins une fois par semaine pendant 3 mois.
- L’estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la silhouette.
Hyperphagie boulimique
L’hyperphagie boulimique est caractérisée par des épisodes récurrents de crises de boulimie en l’absence de comportements compensatoires inappropriés.
Causes et facteurs de risque
L’origine des TCA est multifactorielle, faisant intervenir des facteurs génétiques, biologiques, psychologiques et environnementaux.
Facteurs de vulnérabilité individuelle
Certains traits de personnalité sont plus fréquents chez les sujets atteints de TCA : perfectionnisme, faible estime de soi, difficultés relationnelles, difficultés à identifier et exprimer ses émotions.
Sur le plan biologique, le dysfonctionnement de certains systèmes de neurotransmission, en particulier la sérotonine et la dopamine, pourrait favoriser la survenue de TCA.
Une vulnérabilité génétique est également suspectée. Des antécédents familiaux de TCA sont retrouvés dans 20 à 50% des cas.
Facteurs environnementaux
L’exposition à certains facteurs psychosociaux semble augmenter le risque de développer un TCA :
- Pression socioculturelle : valorisation de la minceur, idéal de beauté irréaliste véhiculé par les médias.
- Environnement familial : préoccupation excessive des parents vis-à-vis du poids et de l’apparence physique.
- Événements de vie négatifs : deuil, séparation, déménagement, harcèlement.
Conséquences sur la santé
Les TCA ont des répercussions majeures sur l’état de santé physique et psychique :
Conséquences somatiques :
- Dénutrition, carences vitaminiques et minérales
- Troubles hydroélectrolytiques (déséquilibres ioniques)
- Atteintes cardiaques, rénales, hépatiques, osseuses
- Troubles digestifs, troubles du transit
- Aménorrhée (absence de règles)
Conséquences psychologiques :
- Dépression
- Troubles anxieux
- Baisse de l’estime de soi
- Isolement social
- Risque suicidaire
Prise en charge
La prise en charge des TCA est globale et pluridisciplinaire. Elle repose sur :
- Une réhabilitation nutritionnelle progressive par une diététicienne.
- Une psychothérapie, le plus souvent de type cognitivo-comportementale (TCC).
- Un traitement médicamenteux symptomatique ou ciblant certains mécanismes neurobiologiques.
- Une prise en charge des troubles psychiatriques associés (dépression, anxiété…).
- Dans les formes sévères ou résistantes, une hospitalisation en service de psychiatrie ou en unité spécialisée.
L’objectif est d’obtenir une restauration pondérale suffisante et de normaliser les conduites alimentaires, ainsi qu’une amélioration des troubles psychopathologiques associés.
La guérison complète est possible, mais le risque de rechute est élevé. Un suivi psychiatrique et somatique à long terme est donc indispensable.
Conclusion
Les troubles du comportement alimentaire sont des pathologies complexes, graves et potentiellement mortelles. Leur prévalence est en augmentation, en particulier chez les adolescentes et les jeunes femmes.
Bien que leurs causes exactes restent mal comprises, de nombreux facteurs de risque ont été identifiés. Leur prise en charge est longue et difficile, faisant appel à une approche pluridisciplinaire.
Des efforts restent à accomplir en matière de prévention, de dépistage précoce et de recherche sur ces troubles encore trop méconnus. Une meilleure formation de l’ensemble des professionnels de santé permettrait également d’améliorer la qualité de la prise en charge.